La traversée

Le projet

 

Ce projet photographique La traversée/Ashu-takusseu explore la question de la représentation du sujet dans la photographie. Il engage les communautés autochtones d'Amérique et du nord-est du Québec que je cotoie depuis 25 ans. Les autochtones ont récemment investi l’espace public par le biais des réseaux sociaux. Ils sont invités à m’envoyer leur autoportrait.

Ces photographies seront recomposées en mosaïque en puisant dans les milliers d’images du projet Wapikoni Mobile, projet réalisé au Québec par la cinéaste Manon Barbeau qui invitait et initiait les jeunes autochtones à réaliser des vidéos touchant leur communauté. Ce projet entre en dialogue avec le travail du grand photographe Edward Curtis, qui au début du 20e siècle a parcouru l’Amérique afin de documenter la culture des autochtones. Plusieurs photos de Curtis feront partie du projet.

Au-delà d’une thématique commune, ce dialogue avec Curtis ouvre une interrogation sur l’identité, la représentation et le rôle de l’artiste dans la création d’une oeuvre ou d’un corpus. Aujourd’hui, la question de l’intention et des exigences formelles et esthétiques de l’oeuvre se repose d’une manière plus criante face à la prolifération des images.

Ainsi, ce projet fait également écho à la méthode de travail de Curtis qui soulève la question des objectifs du photographe et de ce qu’il considère digne d’être retenu iconographiquement. Les autochtones ont surtout été vus tel que l’homme occidental souhaite s’en souvenir. La nature documentaire sous-jacente au portrait et à l’autoportrait y est ici questionnée par le biais d’un nouveau territoire d’intervention de l’artiste et de son implication culturelle sur l’histoire de la représentation.

 

Michel Depatie côtoie les Innus de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam depuis 25 ans. Ce projet est donc un hommage à la culture autochtone et à ses amis Innus. La traversée veut également faire reconnaitre la présence des premières Nations en terre d'Amérique. Une façon de faire connaitre la réalité d'aujourd'hui des premières Nations.

Le travail artistique de Michel Depatie

Michel Depatie a une pratique artistique depuis plus de 20 ans. Son travail principalement axé sur la photographie, la vidéo et l’installation a été exposé à de nombreuses reprises tant au Québec qu’à l’étranger. Depuis quelques années, Michel Depatie interroge la photographie en tant que simple oeuvre iconographique susceptible de perdre toute trace du réel, et donc de nous-mêmes. L’artiste pose une réflexion sur nos pratiques perceptives et les différentes relations du spectateur à l’image. Tout particulièrement, Michel Depatie explore les différents modes d’impression de la photographie. Il a, entre autres, réalisé plusieurs oeuvres imprimées sur verre selon un processus unique au Québec. Ces oeuvres ont d’abord fait l’objet d’une recherche de « déconstruction » de l’image impliquant, entre autres interventions, la prise de photographies de vidéos projetées en forêt. De par les différentes étapes de réalisations de ses oeuvres, les photographies de Michel Depatie s’apparentent souvent à la peinture.

Une partie importante de son corpus d'oeuvres a été inspirée de la culture autochtone et du territoire occupé par les Innus dans la partie nord-est du Québec: le Nitassinan. Il a créé au fil des ans plusieurs installations in situ dans la nature. L’oeuvre la plus remarquée fut La Rencontre-Natishkatun réalisée au symposium international de la Fondation Derouin en 2007, et inspirée de la tradition de la tente à sudation autochtone. Sa relation avec la communauté Innue de Maliotenam a débuté en 1990. Depuis 23 ans, il fréquente plusieurs fois par année cette communauté et participe régulièrement avec eux aux pratiques actuelles de chasse et de pêche. Contrairement à Curtis qui a fréquenté pendant près de 25 ans les communautés autochtones d’Amérique pour en tirer des milliers de photographies “ethnologiques”, Michel Depatie a réalisé très peu de photographies durant cette longue période. L’artiste a, de façon délibérée, refusé de porter un regard photographique sur son expérience et ses observations durant ses séjours. Sa volonté d’aborder la photographie des autochtones par le biais de l’autoportrait est en adéquation avec son expérience de la rencontre avec l’Autre.